1) Qu'est ce que le Modulaire ?

Le modulaire ne ressemble pas à un ordinateur, ni à un clavier, ni à aucun autre instrument. Et pourtant c'est l'un des outils les plus innovant et créatifs que l'on puisse trouver dans la musique électronique. C'est un instrument qu'on construit pièce par pièce avec des modules ayant un rôle précis, et en les reliant avec des câbles, l'utilisateur façonne son propre instrument.

Les modules :

Le tout premier Moog modulaire "Moog Modular Synthetizer" était construit autour de modules devenus aujourd’hui des « classiques » :

• VCO (Voltage Controlled Oscillator) : génère les ondes (saw, square, triangle).

• VCF (Voltage Controlled Filter) : sculpte le timbre.

• VCA (Voltage Controlled Amplifier) : contrôle le volume.

• Enveloppe ADSR : définit l’évolution du son (attaque, release…).

• LFO : modulations lentes

• Séquenceurs : Moduler sur une échelle de temps (step/pas)

• Noise / Sample & Hold : textures.

• Mixers & Multiples : fusionner plusieurs signaux en un seul.

On retrouve encore aujourd’hui ces briques essentielles, mais déclinées en versions toujours plus innovantes et folles, allant du simple VCO wavetable aux séquenceurs polyrythmiques. Pour le format Eurorack (le type de technologie de modulaire le plus connu) il existerait plus de 600 fabricants différents dans le monde qui au total aurait construit plus de 5000 modules. Ce qui rend toujours plus singulier chaque modulaire, et multiplie le nombre de possibilités.

Références des modules mythique :

Mutable instrument - Clouds : Clouds est devenu un module mythique, avec sa technologie de synthèse granulaire utilisant le sampling, Il peut étirer un son, le geler, le découper, pour le transformer en textures ambient ou en nappes évolutives.

Make Noise - Maths : Maths est vu comme le couteau suisse du modulaire, c'est un lfo, générateur d'enveloppes, slew limiteur, générateur de fonctions complexes, mélangeur de cv etc...

Intellijel – Metropolis : Ce séquenceur s'inspire du Roland M-185, il est célèbre pour son workflow immédiat et son intuitivité.

2) Aux origines de la synthèse modulaire : Moog et Buchla

La synthèse modulaire trouve ses racines au début des années 1960, à une époque où la musique électronique est encore largement expérimentale et confinée aux laboratoires universitaires.

Robert Moog : le modulaire au service des musiciens

Aux États-Unis, Robert Moog est l’un des premiers à donner une forme concrète et musicale à cette idée. Ingénieur de formation, il développe au milieu des années 60 les premiers synthétiseurs modulaires Moog, composés d’oscillateurs (VCO), de filtres (VCF), d’amplificateurs (VCA) et de générateurs d’enveloppe, interconnectés par des câbles patch.

L’approche de Moog est fortement influencée par les musiciens avec lesquels il collabore. Il conçoit ses instruments pour être jouables, notamment via un clavier, et adopte rapidement le standard du contrôle en tension 1V/octave, qui facilite l’accordage. Le célèbre filtre passe-bas Moog contribue également à définir un son chaud et reconnaissable, qui marquera durablement la musique électronique, du rock progressif à la pop.

Don Buchla : une vision radicalement expérimentale

À la même période, sur la côte ouest des États-Unis, Don Buchla développe une approche très différente. Soutenu par le San Francisco Tape Music Center, il conçoit le Buchla 100, souvent considéré comme le premier véritable synthétiseur modulaire.

Contrairement à Moog, Buchla rejette l’idée du clavier, qu’il associe trop fortement à la musique tonale occidentale. Ses instruments privilégient des interfaces alternatives : plaques tactiles, séquenceurs, générateurs de fonctions complexes. Le contrôle en tension y est plus libre, moins standardisé, favorisant l’exploration de textures sonores, de rythmes non linéaires et de micro-variations.

La philosophie Buchla s’inscrit clairement dans une démarche expérimentale et artistique, proche de la musique contemporaine et de l’improvisation. Là où Moog cherche la stabilité et la reproductibilité, Buchla embrasse l’imprévisibilité.

3) Comment le modulaire a transformé la musique ?

Le synthétiseur modulaire a profondément changé la manière dont la musique est créée. Là où les instruments traditionnels offrent un timbre fixe, le modulaire a introduit l’idée que le son pouvait être construit pièce par pièce. Les musiciens ont découvert qu’ils pouvaient créer des textures inédites, modeler le timbre à l’infini et manipuler chaque paramètre en temps réel. 

Il a également joué un rôle clé dans la naissance de la musique électronique moderne. Des pionniers comme Wendy Carlos, Suzanne Ciani, Tangerine Dream ou Kraftwerk ont utilisé ces machines pour poser les bases de l’ambient, de la techno, de la synthwave ou encore de la musique expérimentale. Sans modulaire, ces genres n’auraient pas émergé de la même façon.

Le modulaire a aussi introduit une nouvelle façon de penser la musique : la logique de la programmation sonore. Relier des modules pour créer une chaîne de signal est devenu l’ancêtre des routings actuels dans les DAW, des modulateurs logiciels et des instruments virtuels. Toute la conception audio moderne découle de cette approche.

Son influence s’étend également au cinéma et au jeu vidéo. Grâce à ses textures complexes et évolutives, le modulaire est devenu un outil précieux pour le sound design. Des compositeurs comme Hans Zimmer l’ont intégré à leurs musiques de film, mêlant synthèse modulaire et orchestre acoustique pour créer des univers sonores uniques.

Conclusion :

Le synthétiseur modulaire est bien plus qu’un instrument : c’est une manière de penser et de créer le son. En permettant de construire son propre outil, il place l’expérimentation et la liberté au cœur du processus musical. Des pionniers comme Moog où Buchla aux systèmes modernes, le modulaire a façonné la musique électronique, le sound design, la production actuelle et continuera à inspirer encore pendant longtemps.